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CHRONIQUE FISCALE : L’option à l’IR des sociétés de personnes en droit togolais, réelle alternative ou miroir aux alouettes ?

LA CHRONIQUE FISCALE N°002/FEV 2023[1]

L’option à l’IR des sociétés de personnes en droit togolais, réelle alternative ou miroir aux alouettes ?

Par Me Assiom K. BOKODJIN

Avocat au Barreau du Togo

 Expert-fiscaliste

 Inspecteur des Impôts diplômé

 Arbitre agréé

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En règle générale, toutes les sociétés sont soumises à l’impôt sur les sociétés (IS) aux termes de l’article 92-1 du CGI. Cependant, certaines d’entre elles peuvent opter d’être imposées à l’impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP) en lieu et place de l’impôt sur les sociétés[2]. Il s’agit notamment des sociétés en nom collectif, des sociétés civiles professionnelles, des sociétés à responsabilité limitée unipersonnelle, des sociétés civiles immobilières et des groupements d’intérêt économique.

Aux termes de l’article  92-3 alinéa 1 du CGI, « Les associés ou membres des sociétés en nom collectif, des sociétés en commandite simple, des sociétés en participation, des sociétés de fait, les groupements d’intérêt économique ; des sociétés civiles professionnelles, des sociétés civiles immobilières, l’associé unique, personne physique de la société à responsabilité limitée, peuvent opter pour le régime de l’impôt sur le revenu ». A l’exception des groupements d’intérêt économique qui peuvent être constitués par des sociétés de capitaux, les sociétés citées par ce texte sont des sociétés de personnes, c’est-à-dire, des sociétés dans lesquelles chaque associé est réputé n’avoir consenti au contrat de société qu’en considération de la personne de ses coassociés, ce qui exige leur collaboration personnelle à la poursuite du but social, d’où il résulte que les parts sociales ne sont transmissibles qu’avec le consentement des coassociés[3].

L’alinéa 2 de ce texte précise que la demande d’option doit être signée de tous les associés et notifiée au service du lieu d’imposition dans les trois (03) mois du début de l’exercice fiscal.

L’option a pour conséquence l’effacement de la société qui laisse place aux associés. Le contribuable soumis à l’impôt est l’associé en lieu et place de la société. Alors que les sociétés soumises à l’IS sont opaques en raison de l’écran de la personnalité morale, les sociétés ayant opté pour l’IR sont fiscalement transparentes.

Dans la pratique, les entreprises bénéficiant de ce droit l’ont rarement exercé[4]. On dirait plutôt que l’exercice de l’option n’intéresse pas grand monde. Du coup, l’on peut s’interroger sur l’intérêt des contribuables éligibles à ce régime à le mettre en œuvre. Y a-t-il un réel avantage à opter pour l’IRPP et qui serait méconnu des sociétés de personnes, ce qui expliquerait leur désintérêt ? Sinon, quel serait l’intérêt du législateur à maintenir dans la loi de finances exercice 2023 un tel régime dans un contexte où la simplification du système fiscal est affichée comme l’un des objectifs des pouvoirs publics en vue de redynamiser l’économie ?

Le passage en revue des potentiels avantages liés à l’exercice de ce droit d’option (I) permettra de constater qu’en réalité, ils sont sensiblement à relativiser (II) au point où présenter ce régime comme particulièrement favorable aux contribuables concernés serait de la poudre aux yeux. On peut alors s’interroger sur l’utilité de son maintien dans notre système fiscal (III).

 

I-                    Des avantages de l’option

 

Au Togo, le taux de l’IS est à 27% du bénéfice imposable aux termes de l’article 113 du CGI.

L’article 78 du même code relatif à l’IRPP dispose que « Pour les contribuables qui réalisent des revenus d’affaires visées à l’article 29 du présent code, l’impôt est déterminé par application du taux de 30% ». Les revenus d’affaires visées à l’article 29 sont les bénéfices industriels et commerciaux (BIC), les bénéfices agricoles (BA) et les bénéfices non-commerciaux (BNC). A première vue, l’option serait désavantageuse pour les contribuables puisqu’elle aboutirait au paiement d’un impôt calculé au taux de 30% alors que sans elle, ils seraient imposés à un taux de 27%.

Cependant, les articles 41 et 79 du code mettent à la charge des sociétés soumises à l’IS la retenue à la source de l’impôt sur les revenus des capitaux mobiliers (IRCM) qui est de 13%. En effet, les revenus de capitaux mobiliers sont des revenus tirés des placements financiers, qu’ils soient fixes ou variables. Les produits de placement à revenus variables sont constitués notamment des dividendes tirés des parts sociales et actions détenues dans les sociétés. Aussi, la société soumise à l’IS et qui n’a pas fait l’option à l’IR, après la détermination du résultat fiscal et le calcul de l’IS à la fin de l’exercice, retient-elle du bénéfice distribuable à titre de dividendes aux associés, l’IRCM qui est de 13% de la part revenant à chaque associé. Au final, pour l’associé unique d’une société à responsabilité limitée soumise à l’IS, la charge fiscale par exercice revient sensiblement à 40% du bénéfice imposable, soit la somme de 13%  et de 27%  alors qu’avec l’option à l’IR, cette charge serait de 30%. La différence de 10% est loin d’être négligeable.

Cet avantage est toutefois relativisé pour les autres formes de sociétés visées à l’article 92-3 CGI lorsqu’elles sont pluripersonnelles. En effet, dans ces hypothèses, les 27% d’IS sont supportées ensemble par la collectivité des associés et non pas par une seule personne, avant les 13% d’IRCM supportés individuellement par chacun d’eux sur sa part de dividende.

Cependant, même les associés uniques des SARLU ne font presque jamais l’option d’être soumises à l’IR. Cette réalité s’explique par l’amenuisement complet, eu égard à la base d’imposition, du semblant d’avantage relevé dans le choix de l’option.

 

II-                 Des avantages à relativiser

 

Parmi les sociétés pouvant opter, les SCI, les SCP et les SARLU sont les plus nombreuses au Togo. A peine 0,4 % des entreprises ont fait l’option au cours des trois (03) dernières années[5]. En 2022, des 50 SARLU immatriculées au sein de la direction des grandes entreprises du Commissariat des Impôts à l’OTR, aucune n’a fait l’option. Or, précisément pour cette forme de société, il s’agirait, à première vue, de faire le choix entre être imposé à un taux de 40% et l’être à un taux de 30%. Comment peut-on expliquer que ces sociétés fassent le choix qui leur est fiscalement plus couteux ?

En réalité, il n’en est rien.

En effet, la différence entre le régime de l’IR et celui de l’IS est mince lorsqu’on prend en compte les changements dans les règles de détermination de la base imposable si celui de l’IS n’est pas plus favorable au contribuable.

Aux termes des articles 99-a et 99-c du CGI, les rémunérations de toute nature tant  des dirigeants sociaux que des associés liés à la société par un contrat de travail sont déductibles du résultat fiscal dès lors qu’elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives au regard du service rendu. En revanche, conformément à l’article 38 du CGI, en ses points 3) et 4), les appointements de l’exploitant individuel à titre de rémunération, les rémunérations allouées aux membres des sociétés de personnes et organismes dont les bénéfices sont imposés dans les conditions de l’article 9 du code ne sont pas déductibles desdits bénéfices. Autrement dit, en cas d’option à l’IRPP, les salaires et autres rémunérations tant de l’associé unique d’une SARL que des associés des autres formes de sociétés concernées ne sont pas déductibles du résultat fiscal. Inscrites en tant que charges dans le traitement comptable, elles font l’objet d’une réintégration extracomptable et sont imposées au taux de 30%.

Ainsi, lorsque la société est soumise à l’IS, elle a une base imposable d’un montant réduit par rapport à celle qu’elle aurait en cas d’option à l’IR, toutes choses égales par ailleurs.  Ce facteur, suivant les circonstances, peut avoir une influence plus ou moins sensible sur l’impôt dû à la fin.

La rareté, voire l’ineffectivité totale de l’exercice du droit d’option parait plutôt avoir des raisons liées à l’optimisation fiscale.

En tout état de cause, il appert en fin de compte que le maintien de l’option dans notre système fiscal peut être questionné. A quoi sert-elle finalement ?

 

III-               De la finalité de la règle de l’option

 

La simplification de l’action fiscale procède d’une volonté de rendre le système fiscal plus simple pour le citoyen, plus lisible pour l’usager afin que le consentement à l’impôt et la justice fiscale soient plus réels[6]. Dans les objectifs avoués de la réforme de 2018 figurait clairement celui de la simplification du système fiscal[7].

Dans cette optique, après cinq (05) années d’application du nouveau régime qui a fait de la soumission des sociétés de personnes à l’IR une option, n’est-il pas temps de se demander si cette règle vaut la peine d’être maintenue dans notre dispositif fiscal ? Il est établi qu’elle n’est presque jamais mise en œuvre par ses supposées bénéficiaires.

Y a-t-il un intérêt à maintenir cette règle dans le CGI comme l’a fait le législateur de 2022 pour la loi de finances exercice 2023 ? Le Législateur a en effet gardé ce texte en intégrant, dans les sociétés pouvant opter, les sociétés civiles immobilières. Quelle en est la finalité ? La question reste posée.

 



[1] L’autre point de vue sur la législation fiscale, la pratique fiscale et la doctrine fiscale au Togo. Une contribution à la divulgation du droit fiscal, au civisme fiscal et à la justice fiscale.

[2] Cette règle est issue de la réforme générale du CGI de 2018. Avant cette réforme, les sociétés de personnes étaient de droit soumises à l’IRPP et avaient la faculté d’opter d’être soumises à l’IS.

[3] Gérard CORNU, Vocabulaire juridique, Association Henri CAPITANT, 11e éd., p. 974.

[4] En 2022, au sein de la Direction des Grandes Entreprises, les 100% des SARLU sont soumises à l’IS. Aucune d’elles n’a fait l’option (Source : Office Togolais des Recettes).

[5] Source : Office Togolais des Recettes.

[6] Polina Kouraleva-Cazals, la simplification de l’action publique en matière fiscale, « Revue française d'administration publique », 2016/1 N° 157, pages 83 à 94, article consultable sur https://www.cairn.info/revue-francaise-d-administrationpublique-2016-1-page-83.htm.

[7] Les axes de réforme des lois portant Code Général des Impôts et Livre de Procédure Fiscales, OTR, janvier 2019 consultable sur le site www.otr.tg.

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