Les implications fiscales de la vente d'immeuble après le décès du propriétaire en droit togolais : tout ce qu'il faut savoir
LA CHRONIQUE FISCALE N°003/NOV 2023[1]
Me Assiom K. BOKODJIN
Avocat au Barreau du Togo
Expert-fiscaliste
Inspecteur des Impôts diplômé
Arbitre agréé
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Les implications fiscales de la vente d’immeuble après le décès du propriétaire en droit togolais : tout ce qu’il faut savoir
1. « Nous sommes des héritiers. Notre père décédé il y a 11 ans nous a laissé deux immeubles bâtis à Lomé et un domaine rural à Wogba[2]. Nous sommes allés, moi et mes frères, au nombre de 23, voir un notaire pour nous partager l’héritage et ce dernier fait des calculs bizarres au point où nous nous retrouvons avec des miettes après la vente des deux maisons de Lomé. Il nous a même dit que l’Office Togolais des Recettes a pris une partie de notre argent. Je n’ai rien compris, Maître ! Aidez-nous ». Voici le cri de détresse d’un citoyen face à la loi fiscale qui s’applique à sa fratrie lors de la vente d’un immeuble successoral et dont le notaire est comptable. Nul ne paie ses impôts de gaieté de cœur. Néanmoins, être informé d’avance sur ses obligations fiscales avant que ne se présente la situation qui fait naitre l’impôt contribue à amoindrir la douleur et mieux, à minimiser parfois la dette fiscale en évitant les pénalités dues au non-respect des délais de déclaration.
2. Lorsque s’ouvre une succession à la suite d’un décès, les biens laissés par le défunt ne rentrent pas automatiquement dans le patrimoine des successibles pour que ces derniers en disposent à leur guise. Un certain nombre d’actes sont à accomplir parmi lesquels le paiement des impôts. Quels sont ces impôts ? A quels biens et à quelles opérations sont-ils applicables ? Comment se calculent-ils ? A quoi doivent s’attendre les héritiers ? Voilà autant de questions qui restent sans réponse chez l’écrasante majorité des personnes concernées par cette situation.
3. La présente chronique vise à apporter la lumière sur ces questions et à amener le lecteur à savoir à quoi s’en tenir, en pareille occasion. Trois types d’impôts peuvent être collectés par l’Administration fiscale lorsqu’il y a décès d’une personne laissant derrière elle des biens immeubles : les droits de mutation par décès, la taxe sur la plus-value de cession et les droits d’immatriculation et de timbres.
4. Avant de les aborder en détails avec leurs conditions d’exigibilité et leur mode de calcul (II), il convient d’en rappeler le fait générateur et le champ d’application (I). Nous terminerons par les obligations de l’officier public ou du mandataire judiciaire relatives au recouvrement de ces impôts (III).
I- Fait générateur et champ d’application
5. Le fait générateur est le fait qui donne naissance à l’obligation de paiement de l’impôt.
6. Pour les droits de mutation par décès, le fait générateur est le décès. La conséquence fondamentale à en tirer est que c’est la date du décès qui constitue le point de départ du délai imparti pour souscrire à la déclaration de succession. Les héritiers ont, en effet, l’obligation de déclarer à l’Administration fiscale, comme ils le font à la Mairie pour l’obtention de l’acte de décès, la mort de leur auteur et le patrimoine qu’il a laissé. C’est la déclaration de succession. Cette déclaration comprend tous les biens imposables ou non qui faisaient partie du patrimoine du défunt au jour du décès. Aux termes de l’article 378 du Code Général des Impôts, elle doit intervenir dans un délai de douze (12) mois lorsque le décès est survenu au Togo et de dix-huit (18) mois lorsque le décès est survenu à l’étranger.
7. La taxe sur la plus-value de cession trouve son fait générateur dans la cession à titre onéreux de l’immeuble successoral par les héritiers. C’est le cas notamment de la vente de l’immeuble successoral par les héritiers[3]. C’est dire que si ces derniers décident de jouir eux-mêmes de l’immeuble laissé par leur auteur, ou de le louer, ou encore d’en faire donation, cet impôt ne sera pas dû[4]. La mise en location, va générer, soit dit en passant, d’autres impôts, notamment la retenue sur loyer ou l’impôt sur le revenu foncier.
8. Quant aux droits d’immatriculation, ils s’appliquent lorsque la personne décédée n’avait ni immatriculé l’immeuble laissé, ni entamé la procédure en donnant lieu jusqu’ à l’étape du paiement des droits.
9. En ce qui concerne le champ d’application de tous ces impôts, il fait référence aux personnes imposables, à la matière imposable et à la territorialité.
10. Toute personne qui a son domicile fiscal au Togo, quelle que soit sa nationalité, est soumise à ces trois types d’impôts.
11. Tous les immeubles, immatriculés ou non, appartenant au défunt rentrent dans la matière imposable. Toutefois, sont exonérés de la taxe sur la plus-value de cession les immeubles constituant la résidence principale du contribuable lorsqu’il s’agit d’une première mutation, les immeubles dont le prix de cession n’excède pas deux millions (2.000.000) de francs CFA, les terrains agricoles ou destinés à la culture, et les immeubles inscrits dans le patrimoine d’exploitation des personnes physiques soumises à l’impôt sur les revenus catégoriels relevant des bénéfices industriels, commerciaux et agricoles ou non commerciaux[5].
II-Exigibilité et mode de calcul des impôts
12. L’exigibilité est le caractère de l’impôt dont l’Administration fiscale a le droit de réclamer le paiement. L’impôt est exigible lorsque les services de recouvrement de l’Administration peuvent mettre en œuvre les mécanismes légaux en vue de son paiement effectif par le contribuable. Elle n’est pas à confondre avec le fait générateur, le moment de la naissance de l’impôt étant par principe différent du moment où l’Administration peut en réclamer le paiement, même si ces deux moments peuvent se confondre en un seul évènement dans ces certains cas.
A-Droits de mutation par décès ou droit de succession
13. Les droits de mutation par décès sont exigibles dès l’ouverture de la succession. Or, la succession s’ouvre par le décès de la personne ayant laissé les biens en question. Ainsi, le fait générateur se confond ici avec l’exigibilité.
14. Ces droits se calculent à partir de l’actif net successoral. C’est la valeur de l’ensemble des biens du défunt déduction faite des dettes. Autrement dit, c’est la différence entre l’actif brut successoral et le passif successoral. La détermination de ces deux valeurs obéit à des règles particulières.
La détermination de l’actif brut successoral
15. C’est la somme des valeurs de tous les biens meubles et immeubles de la succession. En effet, quand bien même c’est le projet de vente d’un immeuble qui conduit les héritiers devant le fisc, ils ont l’obligation de déclarer, avec des pièces justificatives à l’appui, l’ensemble des biens de leur auteur. Pour les immeubles, les titres de propriété doivent être produits. Pour les comptes bancaires, les relevés de compte et pour tout autre bien meuble, tout document pertinent.
16. Aux termes de l’article 345 du CGI, les meubles meublants doivent être d’une valeur au moins égale à 5% de la valeur de l’actif brut successoral. Il s’agit d’une présomption susceptible de preuve contraire. Le même texte présume, sauf preuve contraire, que les bijoux, pierreries, objets d’arts ou de collection ne peuvent avoir une valeur imposable inférieure à 60% de l’évaluation faite dans un contrat d’assurance contre vol ou incendie souscrit par le défunt, son conjoint ou ses auteurs et en cours au jour de son décès.
La détermination du passif successoral
17. Le passif successoral est l’ensemble des dettes de la succession. Les articles 353 à 358 du CGI imposent quelques conditions pour leur déductibilité.
18. Pour l’essentiel, il est à retenir que sont déductibles les dettes à la charge du défunt dont l’existence au jour de l’ouverture de la succession est dûment justifiée par des titres susceptibles de faire preuve en justice contre le défunt. Ainsi :
-La dette doit exister au jour du décès et être à la charge exclusive du défunt. Sont ainsi exclues les dettes qui prennent naissance après le décès de la personne. Il en est ainsi par exemple des frais de partage ou d’inventaire ;
-La dette ne doit pas être échue depuis plus de six (06) mois avant l’ouverture de la succession ;
-La dette ne doit pas être fictive. Les dettes consenties par le défunt au profit de son conjoint, ses héritiers ou donataires sont présumées fictives sauf preuve contraire rapportée par acte authentique ou un acte sous-seing privé ayant eu date certaine avant le décès.
19. Par ailleurs, sont déductibles les frais de dernière maladie du défunt antérieure au décès et dûment justifiés par des pièces probantes[6]. Il en est de même des frais inhérents à l’organisation des obsèques du défunt.
La liquidation des droits
20. Pour le calcul proprement dit, après la détermination de l’actif net successoral, il est déterminé la part de chaque héritier puis un abattement de dix millions (10.000.000) est pratiqué sur chaque part d’un côté pour le ou les conjoint(s) survivant(s) et de l’autre sur les ascendants à charge et les enfants vivants ou représentés dans la limite de six (06) enfants[7]. L’imposition s’opère sur la part de chaque successible après abattement par application du taux qui est fonction d’une part de la proximité du lien de parenté entre l’ayant-droit et le défunt et d’autre part du montant de l’actif net recueilli par chaque successible et suivant le tableau ci-après[8] :
Tarif applicable à la fraction de part nette compris entre : (en FCFA) |
1 et 2.000.000 |
2000.001 et 5.000.000 |
5.000.001 et 10.000.000 |
10.000.001 et 50.000.000 |
Au-delà de 50.000.000 |
En ligne directe et entre époux |
2% |
4% |
6% |
8% |
10% |
En ligne collatérale entre frères et sœurs |
8% |
10% |
12% |
15% |
18% |
Entre parents au 3ème degré (oncles ou tantes ou neveux ou nièces) jusqu’au 4ème degré (grands oncles ou grands-tantes et petits neveux ou petites nièces ou entre cousins germains) et au-delà |
12% |
14% |
17% |
20% |
22% |
Personnes non parentes |
25% |
30% |
35% |
40% |
45% |
B-Taxe sur la plus-value de cession d’immeuble
21. Cet impôt est dû uniquement en cas de cession à titre onéreux de l’immeuble successoral. Son exigibilité se confond donc avec son fait générateur. Toutefois, en pratique, la cession s’opère dans bien des cas, à l’insu de l’Administration fiscale de sorte que c’est lors de la présentation de l’acte de vente à l’enregistrement que le fisc calcule et prélève la plus-value de cession.
22. La plus-value imposable est constituée par la différence entre le prix de cession ou l’indemnité d’expropriation de l’immeuble et le prix d’acquisition ou la valeur vénale lors de la mutation à titre gratuit[9]. Le prix de cession à retenir est le prix réel tel qu’il est stipulé dans l’acte majoré de toutes les charges et indemnités que le contrat impose à l’acquéreur[10]. Quant au prix d’acquisition, c’est celui effectivement payé par le cédant tel qu’il a été stipulé dans l’acte, majoré le cas échéant de toutes les charges et indemnités. Dans la présente étude, le cédant, ici les héritiers n’ont pas acquis à titre onéreux l’immeuble successoral. Ils sont ainsi dans l’hypothèse de l’acquisition à titre gratuit. Dans ce cas, la valeur vénale du bien est celle du jour de la mutation à titre gratuit[11], c’est-à-dire du jour où les héritiers se sont acquittés des droits de mutation par décès. La plus-value imposable est donc la différence entre cette valeur et le prix de cession tel que stipulé dans l’acte de cession.
23. Il est à préciser qu’un abattement de 10 à 20% selon la nature de l’immeuble (bâti ou non) est applicable pour les immeubles acquis plus de cinq (05) ans avant leur cession.
24. Le taux de la taxe est de sept pour cent (07%) sur la plus-value ainsi dégagée[12].
C-Droits d’immatriculation
25. Le siège de cet impôt est l’article 443 du CGI. Aux termes de ce texte, les ventes ou autres actes civils et judiciaires translatifs de propriété à titre onéreux sont assujettis à des droits d’enregistrement et d’immatriculation ci-après :
-droit d’enregistrement : 0,6%
-droit d’immatriculation de la propriété foncière : 0,6%
-droit de morcellement des titres fonciers : 0,3%.
Une taxe additionnelle de 0,3% est perçue au profit des collectivités locales pour les immeubles situées sur leur territoire.
26. En application de ce texte, lorsque le défunt n’avait pas immatriculé son immeuble avant de trépasser, l’immeuble est soumis aux droits d’enregistrement et d’immatriculation d’un virgule cinq pour cent (1,5%) en plus des droits de mutation par décès auxquels sont redevables les héritiers. Les droits d’enregistrement et d’immatriculation sont en principe à la charge de l’acquéreur alors que les droits de mutation par décès et la taxe sur la plus-value sont à la charge des héritiers vendeurs. Cependant, il est recommandé, en ce qui concerne les droits d’immatriculation et d’enregistrement, de rappeler ce principe dans l’acte de vente afin d’éviter tout malentendu.
27. Lorsque l’immeuble est immatriculé (ou dispose d’un titre foncier), sont dus seulement, soit les droits de morcellement de 0,3% soit les droits fixes de mutation de 35.000 FCFA. Dans le premier cas, on est dans l’hypothèse où une partie de l’immeuble a été vendue et le titre doit être morcelé et dans le second, tout l’immeuble a été cédé et le titre doit être muté au nom de l’acquéreur.
28. Lorsque la succession est liquidée par un mandataire judiciaire ou amiable, professionnel de la Justice, le législateur lui impose un certain nombre d’obligations qu’il convient de rappeler.
III-Les obligations du liquidateur
29. Le liquidateur dans le présent contexte est tout professionnel du droit ou de l’immobilier chargé par une décision de Justice ou par convention entre les héritiers de procéder au partage des biens d’une succession. Il peut s’agir d’un officier public qui est un notaire ou un huissier de Justice ou un autre acteur du droit tel qu’un avocat. En effet, depuis le règlement n°05/2014/CM/UEMOA relatif à l’harmonisation des règles de la profession d’Avocat dans l’espace UEMOA, l’avocat dans les huit (08) Etats membres de cet espace peut être nommé liquidateur d’une succession[13].
30. Il incombe à ce liquidateur des obligations de déclarations et de paiement, lesquelles sont assorties de sanctions en cas de manquement.
A-Les obligations déclaratives et de paiement
31. Les actes établis par le professionnel chargé de liquider une succession sont obligatoirement soumis à la formalité d’enregistrement et passible des droits[14]. Aux termes de l’article 371 du CGI en effet, « sont assujettis à l’enregistrement dans le délai de trois (03) mois à compter de leur date….les actes constatant un partage de biens meubles et immeubles à quelque titre que ce soit.. ». Il en résulte que le notaire ou l’avocat chargé d’exécuter un jugement ou une convention de partage est tenu d’observer les obligations de déclaration y afférentes et de faire enregistrer tous les actes soumis à cette formalité[15]. Or, aux termes de l’article 93 du CGI, « les droits afférents aux actes soumis à la formalité de l’enregistrement sont acquittés à la caisse du receveur des impôts chargé de l’exécution de la formalité….Le paiement des droits s’effectue au comptant et est préalable à l’exécution de la formalité.. ».
32. Le notaire ou l’avocat devient ainsi responsable du paiement des droits de mutation par décès, des droits d’enregistrement du jugement ou de la convention de partage et de la taxe sur la plus-value, des droits de mutation entre vifs à titre onéreux, autrement dit, les droits de morcellement ou de mutation totale de titre ou encore les droits d’immatriculation[16].
33. En ce qui concerne la taxe sur la plus-value de cession, le Livre des Procédures Fiscales précise qu’elle « est acquittée lors de la présentation de l’acte ou la déclaration de cession à la formalité de l’enregistrement soit par les officiers ministériels responsables du paiement des droits, soit par le déclarant sauf leur recours contre le cédant »[17].
34. La question peut se poser de savoir si le notaire ou l’avocat chargé de liquider une succession et qui en vient à organiser dans le cadre de cette mission la vente de l’immeuble successoral peut remettre les fonds reçus à ce titre entre les mains des héritiers en leur demandant d’aller s’acquitter des impôts et taxes dus. La réponse à cette question se trouve dans les dispositions de l’article 509 du Livre des Procédures Fiscales qui est sans équivoque. Ce texte prévoit que « Les Huissiers de justice, commissaires-priseurs, notaires, séquestres et tous autres dépositaires publics de fonds, ne peuvent les remettre aux héritiers, créanciers et autres personnes ayant droit de toucher les sommes séquestrées et déposées qu’après avoir vérifié et justifié que les impôts directs dus par les personnes dont ils détiennent les fonds ont été payés ». L’alinéa 2 dudit texte ajoute que « Ces séquestres et dépositaires sont autorisés à payer directement les impositions qui se trouveraient dues avant de procéder à la délivrance des fonds qu’ils détiennent.. ».
35. Au total, le professionnel chargé de liquider une succession et qui procède à la vente d’un immeuble successoral en vue du partage du produit aux héritiers, doit, non seulement déclarer la succession et ses opérations subséquentes et faire enregistrer les actes y afférents mais aussi payer directement au fisc tous les impôts et taxes dus avant de libérer le reliquat des fonds entre les mains des héritiers.
36. En cas de manquement à ces obligations, de lourdes sanctions sont prévues.
B-Les sanctions en cas de manquement
37. Le législateur a prévu de nombreuses sanctions pour obliger les professionnels missionnés dans le cadre des liquidations de succession à mettre une rigueur particulière dans le respect des obligations fiscales y afférentes. Sont sanctionnées les déclarations inexactes, le défaut de déclaration et le retard dans la déclaration. Ces sanctions sont de trois (03) ordres. Elles peuvent être purement fiscales, disciplinaires ou pénales.
Les sanctions fiscales
38. Plusieurs textes du Livre des Procédures fiscales ont prévue des pénalités, majorations et amendes fiscales comme sanctions des déclarations inexactes destinées à minimiser le montant de l’impôt dû.
39. Ainsi, aux termes de l’article 117 du LPF, « lorsqu’une personne physique ou morale, une association ou toute autre entité est tenue de souscrire ou de présenter une déclaration ou un acte comportant l’indication de bases ou éléments à retenir pour l’assiette, la liquidation ou le paiement de l’un des impôts, droits et taxes, redevances ou sommes quelconques établis ou recouvrés par les receveurs chargés du recouvrement, déclare ou fait apparaitre une base ou des éléments d’imposition insuffisants, inexacts ou incomplets ou effectue un versement insuffisant, le montant des droits éludés est majoré de 20% ». Cette majoration est portée à 40% en cas de mauvaise foi et à 80% si le redevable s’est rendu coupable de manœuvres frauduleuses[18].
40. En outre, l’article 135 du LPF ajoute que l’officier public ou ministériel qui se rend complice de manœuvres destinées à éluder le paiement de l’impôt est personnellement passible d’une amende égale au double de la somme dont le Trésor a été lésé.
41. Aussi, l’article 181 LPF ajoute-t-il que « Les notaires, les huissiers et les autres agents ayant pouvoir de faire des exploits et procès-verbaux, les greffiers et les autorités administratives qui ont négligé de soumettre à l’enregistrement et au timbre dans les délais fixés, les actes qu’ils sont tenus de présenter à l’une ou l’autre de ces formalités, sont personnellement passibles des sanctions prévues aux articles 115 et 139 du présent livre. Ils sont en outre tenus au paiement des droits ou taxes, sauf leur recours contre les parties pour ces droits ou taxes seulement »[19].
42. S’agissant des droits de mutation par décès, quand bien même cet impôt est à la charge de la succession, l’acquéreur est tenu, avant de libérer le prix de vente, d’exiger la présentation d’un certificat délivré par l’Administration fiscale, constatant soit, l’acquittement de cet impôt, soit sa non-exigibilité. Le notaire ou l’avocat qui liquide la succession est tenu responsable solidairement du respect de cette règle posée à l’article 300 du Livre des Procédures Fiscales.
43. En dehors de toutes ces sanctions fiscales, le professionnel chargé de liquider une succession doit également avoir à l’esprit que les manquements à ses obligations fiscales peuvent être sanctionnés pénalement.
Les sanctions pénales
44. Aux termes de l’article 147 du Livre des Procédures Fiscales, « Sans préjudice des sanctions fiscales applicables, est passible d’un emprisonnement d’un à trois ans et d’une amende de 500.000 à 3.000.000 ou de l’une de ces peines, quiconque se soustrait frauduleusement ou tente de se soustraire frauduleusement à l’établissement, au paiement, au reversement total ou partiel des impôts, droits et taxes visés dans le Code Général des Impôts ; dissimule une part des sommes sujettes à l’impôt ; organise son insolvabilité ou met obstacle au recouvrement de l’impôt … ». En application de ce texte, les déclarations inexactes destinées à dissimuler une partie des biens successoraux ou du prix de vente de l’immeuble afin de minimiser le montant des droits de mutation ou de la taxe sur la plus-value, a fortiori les défauts de déclaration sont pénalement sanctionnés.
45. En matière de droits d’enregistrement, les articles 158 à 160 punissent des peines prévues par le code pénal pour le faux et l’usage de faux les déclarations frauduleuses. Ces peines vont jusqu’à dix (10) ans d’emprisonnement. C’est dire toute la gravité attachée aux obligations du notaire ou de l’avocat ou de tout professionnel intervenant dans la liquidation d’une succession.
46. Le contrevenant peut en dernier lieu être frappé par une sanction de son ordre professionnel.
Les sanctions disciplinaires
47. La déontologie des Ordres professionnels prévoit des sanctions en cas de manquement aux obligations, lesquelles sanctions vont de l’avertissement à la radiation.
48. En guise de conclusion, eu égard à toute la panoplie de sanctions encourues, il est peu probable que, pour ne pas froisser les héritiers, le notaire ou l’avocat, le professionnel requis pour liquider les biens de la succession, en particulier les immeubles n’accomplisse pas les obligations fiscales qui sont les siennes.
49. Ceci dit, les impôts et taxes dus en cas de vente d’un immeuble successoral sont désormais connus du commun des héritiers qui peut savoir désormais à quoi s’en tenir.
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[1] L’autre point de vue sur la législation fiscale, la pratique fiscale et la doctrine fiscale au Togo. Une contribution à la divulgation du droit fiscal, au civisme fiscal et à la justice fiscale.
[2] Localité située dans le sud du Togo à 5 km de Vogan, le chef-lieu de la préfecture de Vo et à 8 km de Togoville.
[3] Cette taxe est également due en cas d’apport en société de l’immeuble par les héritiers et en cas d’échange.
[4] Article 82 du CGI : « Les plus-values immobilières effectivement réalisées par les personnes physiques ou des sociétés de personnes lors de la cession à titre onéreux de biens immeubles ou de droits immobiliers de toute nature sont soumises à titre libératoire à une taxe sur les plus-values ».
[5] Article 84 du CGI.
[6] Article 354 du CGI.
[7] Article 420 du CGI.
[8] Article 419 du CGI.
[9] Article 85 du CGI
[10] Article 86 du CGI
[11] Article 87 du CGI
[12] Article 90 du CGI
[13] Article 3 dudit Règlement.
[14] Articles 366 et 371 du CGI.
[15] L’article 281 du LPF réitère cette obligation d’enregistrement qui pèse sur l’Avocat, le Notaire et autres officiers publics sous peine de sanction.
[16] Voir également dans ce sens l’article 465 du LPF : « Les droits des actes à enregistrer sont acquittés (1°) par les notaires, pour les actes passés devant eux, (2°) par les huissiers et autres ayant pouvoir de faire des exploits et procès-verbaux, pour ceux de leur ministère…. ». Les droits afférents aux actes de partages et de vente passés devant l’Avocat, le Notaire ou tout professionnel de droit ayant reçu pouvoir pour sont donc acquittés par eux.
[17] Article 46 du LPF.
[18] Article 118 du LPF.
[19] Ces textes prévoient respectivement en cas de retard une pénalité de 10% des sommes dues pour le premier mois, majoré de 1% à l’expiration de chaque mois qui suit et une amende de 6.000 FCFA dans tous les cas où il n’est pas prévu d’autres sanctions fiscales.